Design interview avec Samuel Tual
Il y a quelques temps j’écrivais “Faut-il un bon client pour faire un bon design” un article sur mon blog qui relatait de la relation complice entre client et designer. Dans cet article, que je vous invite à relire, (3 min de lecture) je tentais de disséquer l’une des clés de réussite d’un bon projet de design à savoir : la qualité de son commanditaire.
Article “Faut-il un bon client pour faire un bon design”
À l’issue de ce billet, j’ouvrais sur de futurs interviews de clients avec lesquels j’entretiens une relation, parfois aux longs cours, souvent très amicale, et surtout assurément de confiance et de respect mutuel.
J’invite,
SAMUEL TUAL
Président Actual Leader group,
Président MEDEF Pays de la Loire
1. Quel est votre poste et quelle relation entretenez-vous avec le design ? Quel type de design achetez-vous ? Design de marque, de message, de services, produits ou espace, etc.
Je suis président d’Actual Leader group, un réseau d’agences d’emploi. Vous savez, ma mission est assez simple car ce sont mes collaborateurs qui font tout le travail et qui le font plutôt bien ! Je ne fais que donner le sens et être le gardien du projet défini ensemble. On pourrait résumer en disant que ma mission est celle du gardien du sens de l’entreprise.
2. Pour vous à quoi sert le design ?
Nous sommes une société de services et nous n’avons pas de produits. On pourrait penser naturellement que nous sommes peu impactés par les enjeux du design, mais en réalité c’est tout le contraire car nous n’avons pas de produit à montrer !
Ainsi si nous souhaitons nous différencier, valoriser et donner du sens, notre approche doit alors être structurée, conceptualisée et valorisée et c’est là que le design intervient !
Pour toutes les questions sur notre marque, notre promesse, notre communication, nos offres, l’approche du design nous oblige à nous poser les bonnes questions pour s’assurer que tout ce que nous entreprenons soit en adéquation avec les valeurs du groupe. Cela devient visible et palpable grâce au design. Je m’y intéresse personnellement.
3. A-t’il un rôle important dans votre activité ? Quelle est sa place ?
Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que le projet d’entreprise doit consister à répondre à une demande. Je suis un partisan de la politique de l’offre !
Nous devons porter des offres différentes des concurrents, expliquer notre positionnement, susciter une émotion, envers les candidats et nos clients. Avoir recours au design c’est conceptualiser tout cela. C’est donner une âme à un produit et à un service.
Le design c’est un supplément d’âme !
On peut chercher à le définir à travers ces 3 questions :
Où l’on va ? C’est notre projet...
Pourquoi on y va ? C’est notre raison d’être et la finalité
Quelle émotion ? Une émotion doit ressortir vers les candidats et clients. Qu’elle puisse toucher l’ensemble des collaborateurs.
4. Comment votre équipe est-elle sensibilisée au design ?
La réussite du projet que je porte en tant que président, passe par l’alignement des collaborateurs.
L’exigence que l’on peut avoir sur le design et sur la façon dont la marque se déploie, contribue à l’alignement des collaborateurs, de la politique, et de mieux comprendre les chemins de chacun et développer la motivation.
Dans l’entreprise nous n’avons pas d’outils et savoir-faire techniques particuliers. Nos contrats sont très proches de ceux de nos confrères. Notre différence se joue dans l’engagement de nos collaborateurs et dans la façon de comprendre notre mission et de la pratiquer. On peut écrire des process, mais par le design on arrive à toucher une autre dimension dans le sens exprimé aux collaborateurs sur notre projet d’entreprise et sur sa finalité. Cela contribue à cette pédagogie et à la motivation des équipes.
5. Y accordez-vous un budget significatif dans vos dépenses ? Peut-on dire que cela génère un retour sur investissement ?
Pour moi, Il n’est pas souhaitable de le considérer comme une ligne de coût à ROI (retour sur investissement) comme une autre ligne matérielle.
Se demander si le design est rentable, c’est comme se poser la question si la RSE c’est rentable ?
Ce n’est pas une option, ce n’est pas discutable.
Si on fait l’économie du design dans le projet, on se prive de tout un pan de réalisation de nos objectifs. C’est un sujet stratégique et pas vraiment de communication. Il ne faut pas s’y tromper. La promesse est du domaine stratégique et donc de la Direction Générale. Le design c’est ce qui fait la différence. Cela permet de se différencier. Quand il est bien fait il permet de travailler sur un temps long avec de la pérennité. Pour le dirigeant que je suis cela n’a pas de prix car c’est très important pour la société.
Merci Samuel, car le sujet du prix est toujours un problème dans notre profession. Les « mauvais clients » se concentrent exclusivement sur l’aspect financier du design alors qu’il est, comme vous le dites, stratégique ! Votre réponse apporte de la lumière. Ce n’est pas un prix mais un pré-requis ! Comme pour la RSE.
6. Comment travaillez-vous avec les designers ? Comment les sélectionnez-vous ? Changez-vous souvent de designers ou créez-vous des relations dans la durée ? Pourquoi faites-vous ces choix ?
Si le design est partie intégrante du projet stratégique dont je suis le premier garant, il me semble important d’être en première ligne. Sur chaque étape importante de la conceptualisation, cela me parait important de faire passer les messages personnellement. Je m’y investi de façon à ce que tout le monde s’approprie le concept. Le rôle du président c’est d’être sponsor de cette démarche.
Je ne choisi pas une structure ou une organisation. Je n’imagine pas faire un appel d’offre basé sur la technique ou sur le prix… Pour moi, c’est d’abord des question de rencontres et d’affinités qui font que l’on est en confiance pour faire ce travail si important.
C’est par l’écoute et la compréhension que la façon d’apporter la solution en découle. Le choix se fait sur la personnalité. Et c’est durable évidemment !
Merci de donner votre avis Samuel, car c’est une valeur forte me semble t’il. Tous les designers ont les mêmes niveaux de compétences et ce qui fait la différence ce sont les Hommes et les Femmes. Il est rare dans nos métiers d’entendre ce genre de choses. Trop nombreux sont ceux qui se réfugient dans la technique ou les prix. On se rend compte alors souvent trop tard de la faible réussite des projets.
J’ajoute 3 axes constitutifs à une bonne collaboration avec un designer :
La personne, comme je disais précédemment : les affinités, le savoir-être…
L’intérêt que l’on porte sur l’objet. Il faut aimer ou apprendre à aimer le secteur ou le produit du client pour s’y engager réellement.
La motivation, le temps que l’on y alloue. Le client doit percevoir la motivation par rapport au calendrier. Si l’on gère plusieurs clients en même temps et que l’on manque de « bande passante » cela peut devenir compliqué…
7. Pouvez-vous citer un de vos projet où le design a changé la donne significativement ? (Rentabilité, notoriété, valeur ajoutée, image de marque, marque employeur, etc)
Je retiens 3 exemples :
Notre marque...
On travaille beaucoup en mode projet, sur parfois des cycles de 10 ans, comme pour la marque. En 2011 quand on a changé notre logo et notre promesse cela été déterminant dans notre projet d’entreprise et l’’alignement de nos équipes. L’identité visuelle a été une étape fondamentale pour le développement de l’entreprise.
Nos agences...
Les agences emploi dont je parlais précédemment.
À l’ère de la transformation par le digital, je suis en train d’inventer un concept « Phygital » ou l’on arrive à concilier numérique et proximité à travers cette agence nouvelle génération.
Cette nouvelle agence à Laval propose aux collaborateurs de travailler différemment avec une nouvelle proximité avec les candidats. Structurer une telle approche est forcément coûteuse (conception de mobilier, l’agencement, etc) mais le bénéfice, le confort de travail, la singularité, la pratique, est sans commune mesure avec une agence classique.
Si l’on veut se distinguer il faut passer ces démarches. Il n’y a pas de vérité, on peut se tromper, mais c’est très valorisant et cela développe de la fierté. Et à ce moment là c’est gagné ! Nos équipes se réalisent dans leur travail.
Et nous sommes déjà en train de déployer 3 autres agences...
La marque Mayenne...
Plus localement, je peux témoigner sur le travail autour de la marque Mayenne. On travaillait depuis longtemps sur le sujet de marque territoriale et en très peu de temps grâce au travail qui à été fait par le Conseil départemental sur le design et le déploiement de la marque j’ai le sentiment que l’on a fait un pas de géant autour de la promotion de la Mayenne. C’est une belle illustration des vertus des valeurs du design.
8. Pour conclure, pensez-vous que le design est un métier d’avenir, ou plutôt une filière en voie d’extinction ? Pour le dire autrement, encourageriez-vous vos enfants à faire des études pour devenir designer ?
Oui j’encourage mes enfants à aller vers des métiers d’avenir, et c’est le cas avec le métier de designer !
Designer est un métier d’avenir.
Mais attention, ils peuvent faire ce qu’ils veulent à condition qu’ils le fassent à fond et de façon ambitieuse. Comme nombreuses activités, le design est un métier d’avenir qui faut pratiquer de façon très professionnelle et très sérieusement. On peut avoir une fibre de créativité mais c’est par le travail que l’on peut arriver à de beaux résultats. Sous ces conditions j’encourage les jeunes à y a aller ! En travaillant beaucoup et en le faisant bien et avec l’ambition de vouloir transformer les produits et le services de demain pour y donner du sens pour utilisateurs et les consommateurs.
C’est un beau métier qui a du sens !
Merci Samuel pour le temps et la qualité de vos réponses. Souhaitons à cette parole de se diffuser dans les réseaux du design et auprès de nos jeunes étudiants.
Interview réalisé via le logiciel Zoom en Juillet 2020
Pour aller plus loin :
Le site Actual leader Group à propos des activités du groupe
Le site de Samuel Tual prises de parole sur le Travail par un leader d’opinion
Le site Marque Mayenne les actions de la marque de territoire