Design Interview avec François Chatagnier
Il y a quelques temps j’écrivais “Faut-il un bon client pour faire un bon design” un article sur mon blog qui relatait de la relation complice entre client et designer. Dans cet article, que je vous invite à relire, (3 min de lecture) je tentais de disséquer l’une des clés de réussite d’un bon projet de design à savoir : la qualité de son commanditaire.
Article “Faut-il un bon client pour faire un bon design”
À l’issue de ce billet, j’ouvrais sur de futurs interviews de clients avec lesquels j’entretiens une relation, parfois aux longs cours, souvent très amicale, et surtout assurément de confiance et de respect mutuel.
J’invite,
FRANÇOIS CHATAGNIER
Kinésithérapeute, ostéopathe
Co-fondateur Kinésiplus et Kinélab
François, nous travaillons ensemble autour de la santé depuis quelques années, peux-tu nous dire quelles activités mènes-tu ?
Je suis Kiné et ostéo et spécialisé en accompagnement du golfeur. J’ai co-fondé plusieurs cabinets dans la région Bretagne, dont Kinélab, un collectif d’une vingtaine de thérapeutes dans une des plus grande clinique de France.
Quelle relation entretiens-tu avec le design ? Quel type de design achètes-tu ? Design de marque, de message, de services, produits ou espace, etc.
Dans nos professions médicales et paramédicales, on ne peut pas faire ce que l’on veut. Tout est très réglementé en terme de communication. Il y a encore 10 ans les sites internet étaient purement interdit, considérant que la « publicité » n’est pas conforme avec l’idée de soigner les gens. Aujourd’hui les choses se sont assouplies, on voit de nombreux sites internet pour les cabinets médicaux et paramédicaux (mais les ordres imposent quand même de respecter une charte). C’est d’ailleurs vrai pour d’autres professions réglementées telles que les avocats, les notaires ou les pharmaciens.
Nous travaillons avec un designer pour réaliser le logo, le sigle ou le nom du cabinet, le site internet et tous les moyens de communication entre professionnels et patients.
Pour toi, à quoi sert le design ? A-t’il un rôle important dans tes activités ? Quelle est sa place ?
Le design doit rendre la communication visible et facile. Par exemple une virgule sur une balle de golf, tout de suite vous reconnaissez très facilement la marque. Vous savez que c’est une balle Nike et pas une simple balle de golf. Pour nous c’est la même chose tout le travail que tu as fait autour de notre cabinet Kinelab, de la création du nom, aux formes, couleurs, typographies, etc, nous a permis de ne plus être un simple cabinet de kinés.
“Grâce au design, nos patients et les médecins avec qui nous travaillons utilisent le terme Kinelab et plus « je vais chez le kiné ». Ils vont chez Kinelab.”
Le design sert à nous mettre en avant. Cela renvoie une image sérieuse et professionnelle. Lorsque nous participons à la formation de professionnels ou l’animation de soirées débats, nous utilisons toujours l’appellation Kinelab. Le cabinet est devenu une vraie marque.
L’objectif du design c’est de rendre de la facilité dans la communication ; dans notre métier de kiné c’est un peu la même chose. Nous devons rendre la course ou les sauts faciles pour le patient blessé ou opéré de la cheville.
Comment ton équipe ou tes collègues sont-ils sensibilisés au design ?
On aimerait que sa place soit plus importante. Au sein de la clinique dans laquelle je travaille, on peut voir beaucoup de logos. Ils correspondent souvent aux regroupements de spécialistes médicaux. L’ILO pour les chirurgiens orthopédiques, L’ICPR pour les spécialistes du pied, etc…
À chaque fois ces structures ont un logo, un site internet, leur permettant d’augmenter leur visibilité. La clinique elle-même a son propre logo rattaché à celui d’un groupe. Beaucoup de logos sont fait maison et c’est parfois un peu la cacophonie ! C’est certain que cela ne favorise pas le sentiment de bien-être.
Par contre, quand le design est bien réalisé, il peut avoir un pouvoir pour rassurer les patients : une forme ou une couleur de logo, une atmosphère que le designer va savoir créer.
Y-accordes-tu un budget significatif dans tes dépenses ?
L’argent est toujours le nerf de la guerre. Nos actes étant réglementés par l’assurance maladie, nous ne pouvons pas répercuter ce budget sur nos honoraires comme pourrait le faire une entreprise commerciale. Le budget est donc souvent minimisé. La valeur ajoutée que le design produit n’est pas toujours évidente pour les professionnels de la santé.
Estimes-tu que le design améliore tes services ou ta notoriété et peut-on dire que cela génère un retour sur investissement ? Pour le dire autrement, dirais-tu que le design est rentable ?
Il faut en faire l’expérience pour s’en rendre compte. J’ai été co-fondateur du projet Bluetens. Un boitier d’électro-stimulation connecté. C’était une première un smartphone qui pouvait commander un boitier et ses électrodes avec plusieurs programmes à disposition. La réussite du projet a reposé sur tout le travail de design. Le nom, la forme du logo, la boite, la couleur, etc… tous ces éléments ont permi de donner envie aux clients de tester l’objet. Ensuite on passe sur d’autres versants qui ont confirmé l’essor de ce produit. Mais le démarrage, l’envol c’est grâce au design !
Dans ce cas on est dans l’univers du Tech, mais pour le médical on ne va pas encore jusque là, du moins en France ! Dans d’autres pays où il n’y a pas ou peu de réglementation, on se rend compte que le design intervient beaucoup plus dans l’univers de la santé...
Comment travailles-tu avec les designers ? Comment les sélectionnes-tu ? Changes-tu souvent de designers ou créés-tu des relations dans la durée ? Pourquoi fais-tu ces choix ?
J’ai rencontré Julian Legendre sur un projet commun : Bluetens.
J’ai découvert la qualité de son travail. Depuis ce temps je lui parle de tous mes projets. Le dernier en date : Kinelab ! Julian a travaillé sur le nom, sur les supports que l’on remet aux patients et la décoration du cabinet pour retrouver les éléments de la marque.
Je suis en train de réfléchir à un projet autour de la prise en charge des golfeurs pour améliorer et rendre efficace leur jeu. Si cela devait aller plus loin sans aucun doute je demanderais à Julian son expertise.
Peux-tu citer un de tes projet où le design a changé la donne significativement ? (Rentabilité, notoriété, valeur ajoutée, image de marque, marque employeur, etc)
À chaque fois que j’ai un projet je pense à tout l’univers de la marque. J’attends toujours avec impatience de découvrir le travail du designer. Je vous ai parlé précédemment de Bluetens, c’est sûr que le succès de cette marque est lié au design, d’ailleurs celui-ci a remporté des prix.
“Aucune marque n’est forte aujourd’hui sans design, je vous défie de m’en citer une !”
Pour conclure, penses-tu que le design est un métier d’avenir, ou plutôt une filière en voie d’extinction ? Pour le dire autrement, encouragerais-tu tes enfants à faire des études pour devenir designer ?
C’est un métier d’avenir à 100% !!! Surtout quand je vois aujourd’hui comment mes enfants consomment et à quelle vitesse leurs yeux et leurs esprits passent d’un objet ou d’une image à l’autre ! Ce qui va les faire s’arrêter, c’est le design. Les marques ont tout intérêt d’interpeller les jeunes d’aujourd’hui et les futurs adultes de demain si elles veulent rester dans le flow. Le travail du designer permet de marquer son temps. Je pense que mes enfants n’ont pas une fibre artistique assez importante pour prendre cette orientation, même si tout s’apprend avec le temps…
Merci François ! Merci pour avoir apporté des réponses qui donnent un autre éclairage sur le rôle du design coté client, et plus particulièrement ici dans l’univers de la santé. Alors à très vite pour parler de ton projet sur le Golf,
Hein ??? ;-)
Pour aller plus loin :
Kinélab : www.kinelab.fr